Le Shakuhachi
 

Le shakuhachi  尺八



Le shakuhachi est une flûte droite en bambou, laquée intérieurement ou non, munie de cinq trous, quatre antérieurs et un postérieur, et d'une embouchure biseautée vers l'extérieur. C'est la taille de l'instrument qui lui a donné son nom : 54,5 cm, soit 1 shaku et 8 sun, un sun mesurant un dixième de shaku. Il s'agit de la taille de l'instrument standard, aussi appelé hassun, mais "shakuhachi" est aujourd'hui un terme générique désignant des instruments de toute taille, les plus courants mesurant, dans l'ordre, 1,8 shaku, 1,6 shaku et 2,4 shaku.


Alors que l'écartement des trous donnerait, sur un hassun, une échelle ré fa sol la do, on peut, par obturation partielle des trous et par le jeu caractéristique d'embouchure meri-kari (variation de l'angle d'attaque), obtenir tous les sons intermédiaires, essentiellement les sib et mib permettant d'obtenir l'échelle de base, un mode de mi. Les possibilités de variation de timbre sont infinies, du muraiki (souffle) au son le plus pur. La maîtrise de la sonorité, des éléments stylistiques et des modes de jeu demandent une longue pratique instrumentale.


Venu de Chine au VIIIe siècle, il est adopté, après avoir végété dans le gagaku, par les moines itinérants komusô au XVIIe siècle, dont on connaît l'image caractéristique, la tête enfouie dans un panier. Ces "moines" étaient pour la plupart des rônin, guerriers déclassés issus des guerres civiles du XVIe siècle. Ils forment au temple Meian de Kyôto un groupe de musiciens affilié à la secte Fuke. Avec la protection du gouvernement des Tokugawa, le shakuhachi devient un instrument sacré, appartenant uniquement aux komusô de Fukeshû.


Kinko Kurosawa publie en 1772 un répertoire de 33 pièces (honkyoku) à partir de pièces religieuses et méditatives jouées aux temples de Fukeshû et de compositions personnelles, fondant ainsi l'école Kinko.


Au XIXe siècle, sous l'impulsion de Sôetsu Kondô et Kodô Araki notamment, se développe la musique de sankyoku à trois instrumentistes (koto, shamisen et shakuhachi). On observe alors une tendance à la désacralisation de la musique pour shakuhachi. Avec la restauration Meiji (1871) et l'abolition du privilège des komusô, le shakuhachi devient accessible à tout musicien. Naissent alors de nouvelles écoles, dont la plus importante (en taille) actuellement au Japon, l'école Tozan, née du désir de son fondateur Nakao Tozan de donner au shakuhachi un véritable statut d'instrument de concert et de s'ouvrir sur l'occident.


Le répertoire du shakuhachi se compose aujourd'hui, outre les honkyoku propres à chaque école, de nombreuses pièces récentes de musique de chambre plus ou moins influencées par la musique occidentale (shinkyoku) et de pièces contemporaines, dont la plus connue est certainement November Steps de Takemitsu.



Principale source :

François PICARD, Lexique des musiques d’Asie orientale (Chine, Corée, Japon, Vietnam), éditions You Feng.